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18 septembre 2010 6 18 /09 /septembre /2010 13:27

 

La célébration des 10 ans de l'usine d' Arcante cette semaine est l'occasion d'apporter un point de vue sans doute différent de la probable satisfaction générale affichée par les commanditaires et les gérants de l'« unité de valorisation énergétique » de Blois. L'objet de cette tribune n'est pas de remettre aujourd'hui en question les décisions du passé, ni de critiquer la gestion actuelle de l'usine, mais plutôt d'alimenter le débat sur la gestion de nos déchets : il faut absolument en mesurer les coûts financiers et écologiques si on veut pouvoir les maîtriser dans les années à venir. La collecte et le traitement des déchets représentent une part importante des dépenses des collectivités locales, cela reste pourtant un sujet mineur des assemblées, abordé plus souvent sous l'angle technique que sous l'angle politique. Il faut se poser la question de nos choix, et de leurs conséquences à moyen et à long terme.

 

  L'incinération, une dépendance écologiquement funeste

L'incinérateur de Blois brûle chaque année environ 90 000 tonnes de déchets, les ¾ de ces déchets sont des ordures ménagères, dont environ la moitié proviennent de VALECO. Tout le monde croyait que VALECO bénéficiait du tarif le plus bas appliqué par Arcante à ses clients, on s'est récemment rendu compte que ce n'était pas le cas, puisque rien dans le contrat n'oblige Arcante à respecter cela. Un compromis a été trouvé avec l'avenant 15, en proposant à VALECO une forme d'intéressement aux bénéfices de l'usine.

Ce qui paraît à court terme une solution intéressante, aura pourtant plutôt tendance à renforcer notre dépendance à l'incinérateur. Pour fonctionner, Arcante a besoin de brûler des déchets. Chaque tonne destinée à l'incinération est payée par VALECO. L'intérêt de VALECO est a priori, pour payer moins et polluer moins, de réduire la quantité de déchets incinérés, mais l'usine ne fonctionne efficacement que quand elle tourne à plein, aussi, quand les quantités fournies localement sont insuffisantes, elle va chercher ailleurs, parfois assez loin, les tonnes qui lui manquent, et pour les attirer...elle fait un prix. Et, comme Arcante, qui est une entreprise privée, doit faire du bénéfice, elle répercutera sur ses clients "captifs" ses coûts de revient. Et nous nous retrouvons confrontés à deux intérêts inconciliables : réduire nos ordures ménagères et payer un coût raisonnable la tonne incinérée. Un véritable dilemme, une dépendance au fonctionnement optimal de l'usine, que renforce un possible intéressement aux bénéfices.

 

  Valorisation énergétique et pollution

Une des raisons le plus souvent mise en avant aujourd'hui pour justifier de l'intérêt de l'incinération est la production d'énergie, sous forme de chaleur et d'électricité. Pourtant, le rendement énergétique des incinérateurs français reste relativement faible par rapport aux moyennes européennes et c'est logique puisque les déchets ne sont pas un vrai carburant. On utilise, pour justifier l'impact en terme d'économie d'énergie, des comparaison avec les énergies fossiles les plus émettrices de gaz à effet de serre, pas forcément concluantes1, mais jamais avec les énergies renouvelables. Par contre, un incinérateur génère d'autres pollutions qui sont loin d'être négligeables :

    • Les pollutions atmosphériques, dont les dioxines2, l'un des polluants les plus toxiques, ne sont qu'une partie des 2000 molécules crachées dans les fumées.

       

    • Des résidus de combustion, qui représentent environ ¼ du tonnage initial, les mâchefers (solides), chargés de métaux lourds et de polluants organiques (qui partent en général en sous-couches de revêtement routier).

    • Des résidus de traitement de fumées, les REFIOM, très toxiques (qu'on enterre).

      Il faut savoir enfin que, suite au Grenelle de l'environnement, les tarifs applicables à l'incinération de la taxe générale sur les activité polluantes (TGAP) vont doublés entre 2009 et 2013. Voilà qui ne réduira sûrement pas le coût de la tonne incinérée.

 

L'après incinération commence aujourd'hui

Si nous sommes contraint de gérer au mieux l'incinérateur jusqu'au terme de la délégation de service public, il est indispensable de construire aujourd'hui des solutions alternatives pour la gestions de nos déchets, afin de réduire notre dépendance, les coûts de collecte et de traitement, et minorer notre impact environnemental. Trois pistes sont à explorer en priorité :

  1. Réduire la production de déchets à la source, par la mise en place d'un plan local de prévention des déchets. En 2008, on compte pour le secteur de VALECO 649 Kg de déchets par habitant, soit 17 kg de plus qu'en 2003 (+ 2,7 %). Or le Grenelle de l'environnement fixe comme objectif une réduction de 7 % par habitant au cours des cinq prochaines années !

  2. Développer les solutions de compostage décentralisé. Les fermentescibles représentent 30% de nos déchets ménagers, ce sont des déchets humides, qu'on peu facilement valoriser pour des coûts d'aménagements très modestes.

  3. Revoir les collectes d'ordures ménagères, en réduisant le nombre de passages, en augmentant les points d'apport volontaire en zone urbaine et en travaillant dès aujourd'hui à la mise en place de la redevance incitative. La création de cette redevance sur Besançon a permis de réduire de 100 kg/an/hab la quantité d'ordures ménagères.

 

A terme, il faudra aussi nous interroger sur la maîtrise publique de la gestion des déchets, meilleur moyen pour mettre en place de véritables alternatives (ressourceries, circuits courts...).

 

 

L'augmentation régulière du coût du traitement des déchets commence à interpeller sérieusement les élus locaux, il est temps d'envisager d'autres solutions. En France nous recyclons et compostons 29 % de nos déchets municipaux, c'est-à-dire moins qu'en Italie, en Espagne, ou en Belgique où ce taux dépasse les 50%. Le rôle des collectivités est d' impulser cette dynamique pour une réduction massive de nos déchets, la prévention restant le plus sûr moyen de réduire nos coûts et notre impact sur l'environnement.

 

 

  François Thiollet

 

1D'après le centre d'analyse stratégique français, la quantité de CO2 émise par les déchets est de 860 à 1548 gCO2/kWh électrique produit, valeurs proches de celles du charbon (915) et du fioul (676) et très supérieures à la cogénération au gaz (230 à 380).

2Le 9 septembre dernier, France 2 a diffusé un documentaire sur les dessous juridiques de l'affaire de l'incinérateur de Gilly sur Isère. Novergie, exploitant, comparaitra en correctionnel fin novembre.

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